Senjak
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Salut,
Je participe régulièrement à un club d'écriture et j'y fais parfois des fanfics de TES (entre autres). Je vais en mettre quelques unes ici (d'autres si je prends le temps de les transcrire de mon cahier à l'ordi). Ce n'est rien d'ambitieux, juste des petites histoires. Celle sur l'Aube Intermédiaire à cependant la prétention de vouloir ressembler au genre de bouquin qu'on peut trouver çà et là dans Tamriel (et pour le coup n'est pas vraiment une fanfic, juste une tentative de synthèse).
[Note du staff] Si vous voulez commenter ses écrits, postez sur ce topic ! :P
_________________________________________________________
L'Amphithéâtre du Délire
Face au médecin qui se trouvait de l’autre côté de la table, Phinéas rouvrit les yeux, le regard dans le vide.
— Reprenons, si vous le voulez bien, fit le psychiatre à son adresse. Vous me parliez du moment où vous avez découvert cette porte…
— Le portail, l’interrompit Phinéas. C’était un portail comme une gueule béante prête à vous avaler ; une mâchoire démesurée qui aspire vos pensées…
— Ce portail, donc, acquiesça le médecin. Une fois que vous l’avez traversé, que s’est-il passé ?
— Il y avait un homme.
Le médecin attendit quelques secondes, puis répéta :
— Un homme ?
— Un homme, oui. Il était assez âgé, chauve, assis comme vous derrière une table, et il y avait une chaise face à lui.
— Qui était cet homme ?
— Le conseiller du Prince, répondit négligemment Phinéas. Il m’a dit qu’il m’attendait. Il m’a dit que je devais être jugé. Que je ne pouvais y échapper !
— Calmez-vous, Phinéas. Vous êtes en sécurité ici. Pourquoi voulait-il vous juger ? Qu’aviez-vous fait ?
— Mais rien ! Je le jure ! Il m’a dit que si je voulais traverser vers les Îles, je devais être jugé par ses habitants.
— Les îles ? Vous vouliez aller dans des îles ? demanda le médecin.
— Pas des îles. Les Îles Chatoyantes.
Le visage de Phinéas s’était soudainement éclairé, comme baigné dans une félicité religieuse. Le docteur nota quelques mots sur son carnet.
— Parlez-moi de ce jugement, maintenant. Lors de précédentes sessions vous avez parlé d’une grande place, je crois, et d’une foule.
— C’était un amphithéâtre. Les gradins montaient si haut qu’on aurait dit que l’univers s’arrêtait après ce point. Tout le monde l’appelait l’Amphithéâtre du Délire.
Après un nouveau silence, le psychiatre reprit :
— Vous ont-ils dit de quoi ils vous accusaient ?
— Oui. C’est le Prince en personne qui a prononcé les charges d’accusation. J’étais condamné à l’éternité dans les faubourgs de Shéos pour avoir volé une cuillère.
Le docteur prit de nouvelles notes dans son calepin.
— Le prince, demanda-t-il à Phinéas, qui était-il ? Quelqu’un que vous aviez déjà rencontré ?
— Bien sûr. Tout le monde connaît le Prince. Le Prince est notre bienfaiteur !
Le médecin acquiesça silencieusement.
— Et votre… bienfaiteur, vous a-t-il condamné ?
— Oui, je devais expier ma faute. Dans la foule les gens avaient déjà commencé à se dévorer les uns les autres. J’ai plaidé coupable. J’avais la cuillère sur moi, même si je ne l’avais pas volée. Je l’avais jute prise la nuit chez le seigneur de Mania, durant son sommeil.
— Mais, fit le médecin en reposant doucement son stylo, ne pensez-vous pas que cet acte est du vol ?
— Non ! Non ! Non !
Phinéas se mit à hurler, se débattre, clamant son innocence, et les infirmiers virent l’amener avant qu’il ne se saisisse du stylo sur la table. Le docteur, stoïque, rangea ses affaires et se leva, quittant la scène jusqu’à la prochaine séance.
__________________________________________________________________________________________
La Boussole du Fou
Dans un angle de la rue se profilait la boutique de Calixto. Il s’agissait en fait plus d’un musée, qu’il appelait fièrement le “Bazar des Curiosités”. Chaque client qui passait le seuil de la porte était accueilli chaleureusement – Calixto n’avait pas tant de visiteurs que ça. Pourtant, sa collection valait le détour. Tolgan en savait bien quelque chose ; c’était lui qui lui avait procuré nombre de ses pièces. La Flûte du danseur, la Cuillère à soupe d’Ysgramor… les Nordiques de la ville appréciaient particulièrement cet objet. Ysgramor était un personnage historique, et les légendes qui l’entouraient étaient nombreuses.
Tolgan entra dans le musée et parcourut la pièce des yeux. Peu de choses avaient changé. Sur l’étagère face à lui, le Livre du Destin était toujours là ; seul élément n’avait pas besoin d’être débarrassé de sa poussière. Chaque visiteur était invité à le consulter ; son contenu y était différent pour chacun, mais il arrivait cependant que certaines personnes n’y voient qu’un ouvrage vierge.
À côté du livre se trouvait un nouvel élément, et Tolgan fronça les sourcils pour l’identifier. Il s’agissait d’une boussole, il reconnaissait bien l’objet. Ce genre de choses n’était pas très répandue, surtout ici, en Bordeciel. Les étoiles étaient là pour guider les enfants de Kyne, nul besoin de ces gadgets.
Calixto apparut alors de la pièce adjacente au musée, et salua son associé.
« Non, rien pour toi aujourd’hui, vieil homme. Mais dis-moi plutôt, cette boussole sur l’étagère, qu’est-ce qu’elle a de si particulier pour mériter sa place ici ?
– Ça ? fit Calixto en s’avançant vers l’artefact. Je l’ai récupéré très récemment ; elle est arrivée ce matin de Cyrodiil. C’est la Boussole du Fou. »
Tolgan s’avança à son tour pour se saisir de l’objet, et Calixto continua :
« Un des nombreux mythes de Shéogorath, le prince daedra, raconte qu’un jour de Sombreciel, un homme de Haute-Roche a invoqué les dieux pour répondre à sa détresse. L’homme avait récemment perdu femme et enfants dans une attaque de bandits, et depuis son retour chez lui, il n’avait ni envie, ni motivation pour quoi que ce soit. Alors il s’était adressé au Divin Julianos, cherchant sagesse et savoir, pour lui demander un indice, un guide, une route à emprunter pour le sortir de son désespoir. Mais on sait combien les princes d’Oblivion, et en particulier Shéogorath, sont à l’écoute du moindre prétexte leur permettant de s’impliquer dans Mundus et de jouer avec la vie des mortels. Le Prince de la Folie est donc apparu à cet homme tourmenté. “Fais ce que tu veux !”, lui a-t-il dit, “tu es libre, maintenant !” L’homme endeuillé, ne goûtant pas à la plaisanterie du daedra, répondit : “mais je ne sais pas ce que je veux”. Alors Shéogorath lui offrit cette boussole. “Elle t’indiquera toujours la direction de ce que tu veux vraiment”, expliqua-t-il.
À partir de ce jour, l’homme se mit à vagabonder. Il suivit l’aiguille sans réfléchir, confiant et fervent. Mais plusieurs fois, au milieu d’une route, ou en traversant une ville, elle changea de direction indiquée. L’homme tournait toujours ses pas là où elle lui disait d’aller, et pendant des années il erra ainsi dans tout Tamriel, revenant parfois sur ses pas ou tournant en rond. L’aiguille était inconstante, mais lui toujours fidèle.
Les gens se mirent à le reconnaître, le voyant déambuler avec sa boussole, passant et repassant, s’arrêtant soudain, changeant de direction. Il avait depuis longtemps perdu l’esprit.
Puis un jour, l’aiguille se mit à pointer vers lui. Où qu’il se tourne, la boussole indiquait toujours le fou qui la tenait. Alors, après être resté immobile et indécis pendant des heures, il tira son couteau de sa ceinture et se trancha la gorge. Puis il partit rejoindre le prince daedra dans son royaume d’Oblivion. »
Tolgan, qui avait interrompu son geste, abaissa sa main. Les artefacts des princes démoniaques étaient pour lui une abomination. Il avertit poliment Calixto du fait que les Vigiles, qui chassaient toute présence daedra, pourraient en avoir vent ; puis il repartit suivre sa route, ne pouvant s’empêcher de se demander ce que la Boussole du Fou lui aurait indiqué, à lui.
___________________________________________
L'Aube Intermédiaire
Durant la première moitié de l’ère première, avant l’empire de Reman Cyrodiil et bien avant l’avènement de Tiber Septim, deux mille six cents ans plus tard, il existait en Tamriel un ordre militaire autant que religieux qui vénérait la Sainte Alessia, sauveuse des Hommes, qui avait libéré en Cyrodiil l’humain du joug elfique des Ayléides durant le troisième siècle de cette ère.
L’Ordre Alessien avait été fondé un siècle après la mort de Sainte Alessia, par le prophète Marukh, qui avait rédigé des textes rigoureux et sévères quant à la vénération d’Alessia et la nature divine des croyances humaines contre la rémanence d’une soumission elfique à travers le culte, instauré par Alessia, des Huit Divins. Ces Doctrines Alessiennes furent à l’origine de la fondation de l’Ordre, également appelé Ordre des Saints Frères de Marukh. Cet Ordre combattit les elfes sur Tamriel, élargissant leurs frontières et conquérant sans relâche les terres comme les esprits en propageant leur doctrine monothéiste. En 482, les elfes Direnni de Hauteroche réagirent face à la contagion alessienne qui dépassait les frontières de Cyrodiil, tout d’abord en interdisant le Culte Alessien sur leur territoire mais également en menant plusieurs campagnes agressives contre les territoires annexés par l’empire humain. Cela mena l’Ordre à participer, ainsi que d’autres armées humaines, notamment nordiques, à la Bataille des Landes de Glénumbrie qui vit la défaite de l’Ordre mais le retrait des Direnni sur l’île de Balfiera, après que les Brétons, voyant les elfes affaiblis, eurent repris possession de leurs terres.
L’Ordre Alessien, également affaibli par le conflit, dut faire face à une opposition des royaumes coloviens et nordique face à l’hégémonie expansionniste et intégriste de leur Culte. En Bordeciel, le roi Wulfharth, qui avait remplacé Hoag Tueur-de-Mer, mort durant la bataille contre les Direnni, coupa définitivement les liens avec l’Empire et déclara l’Ordre hors-la-loi.
Durant ces siècles où l’Ordre Alessien luttait pour chasser toute trace restante de l’esclavagisme ayléide en Cyrodiil, détruisant les temples et faisant preuve d’intransigeance, naquit une faction extrémiste de cet Ordre qui vénérait Alessia avec fanatisme et était déterminée à chasser du panthéon divin des Huit toute l’influence Aldmeri. Créés à l’origine par la doctrine du prophète Marukh ou par Marukh lui-même, ils furent les Élus Marukhati.
En l’an 1200 de la première ère, cette secte fanatique, dont l’objet était de séparer l’essence divine des Huit de leur nature fondamentalement elfique qui se répandait dans la théologie et les pratiques des Hommes, tenta par des moyens inconnus ou soupçonnés, les violations des lois de Mundus ou des sortilèges interdits et ignorés des mortels, de détacher la nature même d’Akatosh de son homologue elfique, Auriel ; car c’était pour eux une insupportable vérité qui les liait encore et toujours aux Aldmers.
Il est dit que les Élus Marukhati canalisèrent l’Aurbis lui-même ; réalité absolue de toute chose, univers que se partagent les essences jumelles d’Anu et de Padomay, pour évincer du Dieu Dragon toute trace de ce qui faisait son ascendance elfique. D’après les témoignages historiques recueillis sur la période trouble qui plongea Tamriel, et probablement Nirn tout entier, dans la confusion ; une tour s’éleva autour de laquelle dansèrent les Élus, puis elle se tordit et lorsqu’ils prononcèrent le vrai nom du Dieu Dragon, elle se brisa avec le Temps lui-même. Car Akatosh-Auriel est le Temps, et cette brisure, cette Cassure du Dragon provoqua ce que l’on appela par la suite l’Aube Intermédiaire ; car tout alors sur Tamriel, la réalité, les liens causaux, la vie et la mort, revint dans l’état où était le monde avant la naissance même de l’Histoire ; durant l’ère de l’Aube.
Le désastre dura mille et huit années durant lesquelles les fragments de la tour volèrent à travers les cieux, tombant comme des étoiles. Lorsqu’elles purent trouver le repos sur le sol mortel de Nirn, le temps reprit son cours. Tous les peuples de Tamriel gardèrent le souvenir de cet événement sous des formes dissemblables, contradictoires, angoissées. Durant ces années obscures et inconnues se produisirent conflits, empires et événements historiques dont le monde ne garda nulle trace.
Plus de cent ans après la fin de l’Aube Intermédiaire, la secte des Élus Marukhati fut détruite en même temps que l’Ordre lui-même lors de la Guerre de la Vertu, par la Colovie à l’ouest, qui brûla les temples et les bibliothèques, ne laissant nulle trace de savoir qui auraient pu nous renseigner sur si, oui ou non, les Élus étaient parvenus à leur fin.
La suite de l’histoire nous est connue ; la Colovie et la vallée du Nibenay furent réunifiées sous Reman Cyrodiil, qui fonda le Second Empire humain. Le débat existe toujours quant à l’existence réelle des Cassures du Dragon, car ce ne fut pas la seule, elle ne fut ni la première ni la dernière. Certains, comme Fal Droon dans “la Cassure du Dragon revisitée” mettent en doute l’existence de l’Aube Intermédiaire, prétextant une erreur chronologique due à l’absence de documents historiques datant de l’époque de l’Ordre Alessien, et prétendent que cet ordre n’aurait existé que durant une très courte période. Mais c’est nier les autres périodes où le temps a été distordu, ou les distances et les événements se sont entremêlés, changeant les lois de la réalité, faisant des causes des conséquences. Tel est le prix à payer lorsque nous jouons le jeu des dieux, et qui sait ce qui peut encore arriver. Le Dragon s’est déjà brisé, et cela se reproduira, car toutes les réponses n’ont pas été données.
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Je participe régulièrement à un club d'écriture et j'y fais parfois des fanfics de TES (entre autres). Je vais en mettre quelques unes ici (d'autres si je prends le temps de les transcrire de mon cahier à l'ordi). Ce n'est rien d'ambitieux, juste des petites histoires. Celle sur l'Aube Intermédiaire à cependant la prétention de vouloir ressembler au genre de bouquin qu'on peut trouver çà et là dans Tamriel (et pour le coup n'est pas vraiment une fanfic, juste une tentative de synthèse).
[Note du staff] Si vous voulez commenter ses écrits, postez sur ce topic ! :P
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L'Amphithéâtre du Délire
Face au médecin qui se trouvait de l’autre côté de la table, Phinéas rouvrit les yeux, le regard dans le vide.
— Reprenons, si vous le voulez bien, fit le psychiatre à son adresse. Vous me parliez du moment où vous avez découvert cette porte…
— Le portail, l’interrompit Phinéas. C’était un portail comme une gueule béante prête à vous avaler ; une mâchoire démesurée qui aspire vos pensées…
— Ce portail, donc, acquiesça le médecin. Une fois que vous l’avez traversé, que s’est-il passé ?
— Il y avait un homme.
Le médecin attendit quelques secondes, puis répéta :
— Un homme ?
— Un homme, oui. Il était assez âgé, chauve, assis comme vous derrière une table, et il y avait une chaise face à lui.
— Qui était cet homme ?
— Le conseiller du Prince, répondit négligemment Phinéas. Il m’a dit qu’il m’attendait. Il m’a dit que je devais être jugé. Que je ne pouvais y échapper !
— Calmez-vous, Phinéas. Vous êtes en sécurité ici. Pourquoi voulait-il vous juger ? Qu’aviez-vous fait ?
— Mais rien ! Je le jure ! Il m’a dit que si je voulais traverser vers les Îles, je devais être jugé par ses habitants.
— Les îles ? Vous vouliez aller dans des îles ? demanda le médecin.
— Pas des îles. Les Îles Chatoyantes.
Le visage de Phinéas s’était soudainement éclairé, comme baigné dans une félicité religieuse. Le docteur nota quelques mots sur son carnet.
— Parlez-moi de ce jugement, maintenant. Lors de précédentes sessions vous avez parlé d’une grande place, je crois, et d’une foule.
— C’était un amphithéâtre. Les gradins montaient si haut qu’on aurait dit que l’univers s’arrêtait après ce point. Tout le monde l’appelait l’Amphithéâtre du Délire.
Après un nouveau silence, le psychiatre reprit :
— Vous ont-ils dit de quoi ils vous accusaient ?
— Oui. C’est le Prince en personne qui a prononcé les charges d’accusation. J’étais condamné à l’éternité dans les faubourgs de Shéos pour avoir volé une cuillère.
Le docteur prit de nouvelles notes dans son calepin.
— Le prince, demanda-t-il à Phinéas, qui était-il ? Quelqu’un que vous aviez déjà rencontré ?
— Bien sûr. Tout le monde connaît le Prince. Le Prince est notre bienfaiteur !
Le médecin acquiesça silencieusement.
— Et votre… bienfaiteur, vous a-t-il condamné ?
— Oui, je devais expier ma faute. Dans la foule les gens avaient déjà commencé à se dévorer les uns les autres. J’ai plaidé coupable. J’avais la cuillère sur moi, même si je ne l’avais pas volée. Je l’avais jute prise la nuit chez le seigneur de Mania, durant son sommeil.
— Mais, fit le médecin en reposant doucement son stylo, ne pensez-vous pas que cet acte est du vol ?
— Non ! Non ! Non !
Phinéas se mit à hurler, se débattre, clamant son innocence, et les infirmiers virent l’amener avant qu’il ne se saisisse du stylo sur la table. Le docteur, stoïque, rangea ses affaires et se leva, quittant la scène jusqu’à la prochaine séance.
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La Boussole du Fou
Dans un angle de la rue se profilait la boutique de Calixto. Il s’agissait en fait plus d’un musée, qu’il appelait fièrement le “Bazar des Curiosités”. Chaque client qui passait le seuil de la porte était accueilli chaleureusement – Calixto n’avait pas tant de visiteurs que ça. Pourtant, sa collection valait le détour. Tolgan en savait bien quelque chose ; c’était lui qui lui avait procuré nombre de ses pièces. La Flûte du danseur, la Cuillère à soupe d’Ysgramor… les Nordiques de la ville appréciaient particulièrement cet objet. Ysgramor était un personnage historique, et les légendes qui l’entouraient étaient nombreuses.
Tolgan entra dans le musée et parcourut la pièce des yeux. Peu de choses avaient changé. Sur l’étagère face à lui, le Livre du Destin était toujours là ; seul élément n’avait pas besoin d’être débarrassé de sa poussière. Chaque visiteur était invité à le consulter ; son contenu y était différent pour chacun, mais il arrivait cependant que certaines personnes n’y voient qu’un ouvrage vierge.
À côté du livre se trouvait un nouvel élément, et Tolgan fronça les sourcils pour l’identifier. Il s’agissait d’une boussole, il reconnaissait bien l’objet. Ce genre de choses n’était pas très répandue, surtout ici, en Bordeciel. Les étoiles étaient là pour guider les enfants de Kyne, nul besoin de ces gadgets.
Calixto apparut alors de la pièce adjacente au musée, et salua son associé.
« Non, rien pour toi aujourd’hui, vieil homme. Mais dis-moi plutôt, cette boussole sur l’étagère, qu’est-ce qu’elle a de si particulier pour mériter sa place ici ?
– Ça ? fit Calixto en s’avançant vers l’artefact. Je l’ai récupéré très récemment ; elle est arrivée ce matin de Cyrodiil. C’est la Boussole du Fou. »
Tolgan s’avança à son tour pour se saisir de l’objet, et Calixto continua :
« Un des nombreux mythes de Shéogorath, le prince daedra, raconte qu’un jour de Sombreciel, un homme de Haute-Roche a invoqué les dieux pour répondre à sa détresse. L’homme avait récemment perdu femme et enfants dans une attaque de bandits, et depuis son retour chez lui, il n’avait ni envie, ni motivation pour quoi que ce soit. Alors il s’était adressé au Divin Julianos, cherchant sagesse et savoir, pour lui demander un indice, un guide, une route à emprunter pour le sortir de son désespoir. Mais on sait combien les princes d’Oblivion, et en particulier Shéogorath, sont à l’écoute du moindre prétexte leur permettant de s’impliquer dans Mundus et de jouer avec la vie des mortels. Le Prince de la Folie est donc apparu à cet homme tourmenté. “Fais ce que tu veux !”, lui a-t-il dit, “tu es libre, maintenant !” L’homme endeuillé, ne goûtant pas à la plaisanterie du daedra, répondit : “mais je ne sais pas ce que je veux”. Alors Shéogorath lui offrit cette boussole. “Elle t’indiquera toujours la direction de ce que tu veux vraiment”, expliqua-t-il.
À partir de ce jour, l’homme se mit à vagabonder. Il suivit l’aiguille sans réfléchir, confiant et fervent. Mais plusieurs fois, au milieu d’une route, ou en traversant une ville, elle changea de direction indiquée. L’homme tournait toujours ses pas là où elle lui disait d’aller, et pendant des années il erra ainsi dans tout Tamriel, revenant parfois sur ses pas ou tournant en rond. L’aiguille était inconstante, mais lui toujours fidèle.
Les gens se mirent à le reconnaître, le voyant déambuler avec sa boussole, passant et repassant, s’arrêtant soudain, changeant de direction. Il avait depuis longtemps perdu l’esprit.
Puis un jour, l’aiguille se mit à pointer vers lui. Où qu’il se tourne, la boussole indiquait toujours le fou qui la tenait. Alors, après être resté immobile et indécis pendant des heures, il tira son couteau de sa ceinture et se trancha la gorge. Puis il partit rejoindre le prince daedra dans son royaume d’Oblivion. »
Tolgan, qui avait interrompu son geste, abaissa sa main. Les artefacts des princes démoniaques étaient pour lui une abomination. Il avertit poliment Calixto du fait que les Vigiles, qui chassaient toute présence daedra, pourraient en avoir vent ; puis il repartit suivre sa route, ne pouvant s’empêcher de se demander ce que la Boussole du Fou lui aurait indiqué, à lui.
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L'Aube Intermédiaire
Durant la première moitié de l’ère première, avant l’empire de Reman Cyrodiil et bien avant l’avènement de Tiber Septim, deux mille six cents ans plus tard, il existait en Tamriel un ordre militaire autant que religieux qui vénérait la Sainte Alessia, sauveuse des Hommes, qui avait libéré en Cyrodiil l’humain du joug elfique des Ayléides durant le troisième siècle de cette ère.
L’Ordre Alessien avait été fondé un siècle après la mort de Sainte Alessia, par le prophète Marukh, qui avait rédigé des textes rigoureux et sévères quant à la vénération d’Alessia et la nature divine des croyances humaines contre la rémanence d’une soumission elfique à travers le culte, instauré par Alessia, des Huit Divins. Ces Doctrines Alessiennes furent à l’origine de la fondation de l’Ordre, également appelé Ordre des Saints Frères de Marukh. Cet Ordre combattit les elfes sur Tamriel, élargissant leurs frontières et conquérant sans relâche les terres comme les esprits en propageant leur doctrine monothéiste. En 482, les elfes Direnni de Hauteroche réagirent face à la contagion alessienne qui dépassait les frontières de Cyrodiil, tout d’abord en interdisant le Culte Alessien sur leur territoire mais également en menant plusieurs campagnes agressives contre les territoires annexés par l’empire humain. Cela mena l’Ordre à participer, ainsi que d’autres armées humaines, notamment nordiques, à la Bataille des Landes de Glénumbrie qui vit la défaite de l’Ordre mais le retrait des Direnni sur l’île de Balfiera, après que les Brétons, voyant les elfes affaiblis, eurent repris possession de leurs terres.
L’Ordre Alessien, également affaibli par le conflit, dut faire face à une opposition des royaumes coloviens et nordique face à l’hégémonie expansionniste et intégriste de leur Culte. En Bordeciel, le roi Wulfharth, qui avait remplacé Hoag Tueur-de-Mer, mort durant la bataille contre les Direnni, coupa définitivement les liens avec l’Empire et déclara l’Ordre hors-la-loi.
Durant ces siècles où l’Ordre Alessien luttait pour chasser toute trace restante de l’esclavagisme ayléide en Cyrodiil, détruisant les temples et faisant preuve d’intransigeance, naquit une faction extrémiste de cet Ordre qui vénérait Alessia avec fanatisme et était déterminée à chasser du panthéon divin des Huit toute l’influence Aldmeri. Créés à l’origine par la doctrine du prophète Marukh ou par Marukh lui-même, ils furent les Élus Marukhati.
En l’an 1200 de la première ère, cette secte fanatique, dont l’objet était de séparer l’essence divine des Huit de leur nature fondamentalement elfique qui se répandait dans la théologie et les pratiques des Hommes, tenta par des moyens inconnus ou soupçonnés, les violations des lois de Mundus ou des sortilèges interdits et ignorés des mortels, de détacher la nature même d’Akatosh de son homologue elfique, Auriel ; car c’était pour eux une insupportable vérité qui les liait encore et toujours aux Aldmers.
Il est dit que les Élus Marukhati canalisèrent l’Aurbis lui-même ; réalité absolue de toute chose, univers que se partagent les essences jumelles d’Anu et de Padomay, pour évincer du Dieu Dragon toute trace de ce qui faisait son ascendance elfique. D’après les témoignages historiques recueillis sur la période trouble qui plongea Tamriel, et probablement Nirn tout entier, dans la confusion ; une tour s’éleva autour de laquelle dansèrent les Élus, puis elle se tordit et lorsqu’ils prononcèrent le vrai nom du Dieu Dragon, elle se brisa avec le Temps lui-même. Car Akatosh-Auriel est le Temps, et cette brisure, cette Cassure du Dragon provoqua ce que l’on appela par la suite l’Aube Intermédiaire ; car tout alors sur Tamriel, la réalité, les liens causaux, la vie et la mort, revint dans l’état où était le monde avant la naissance même de l’Histoire ; durant l’ère de l’Aube.
Le désastre dura mille et huit années durant lesquelles les fragments de la tour volèrent à travers les cieux, tombant comme des étoiles. Lorsqu’elles purent trouver le repos sur le sol mortel de Nirn, le temps reprit son cours. Tous les peuples de Tamriel gardèrent le souvenir de cet événement sous des formes dissemblables, contradictoires, angoissées. Durant ces années obscures et inconnues se produisirent conflits, empires et événements historiques dont le monde ne garda nulle trace.
Plus de cent ans après la fin de l’Aube Intermédiaire, la secte des Élus Marukhati fut détruite en même temps que l’Ordre lui-même lors de la Guerre de la Vertu, par la Colovie à l’ouest, qui brûla les temples et les bibliothèques, ne laissant nulle trace de savoir qui auraient pu nous renseigner sur si, oui ou non, les Élus étaient parvenus à leur fin.
La suite de l’histoire nous est connue ; la Colovie et la vallée du Nibenay furent réunifiées sous Reman Cyrodiil, qui fonda le Second Empire humain. Le débat existe toujours quant à l’existence réelle des Cassures du Dragon, car ce ne fut pas la seule, elle ne fut ni la première ni la dernière. Certains, comme Fal Droon dans “la Cassure du Dragon revisitée” mettent en doute l’existence de l’Aube Intermédiaire, prétextant une erreur chronologique due à l’absence de documents historiques datant de l’époque de l’Ordre Alessien, et prétendent que cet ordre n’aurait existé que durant une très courte période. Mais c’est nier les autres périodes où le temps a été distordu, ou les distances et les événements se sont entremêlés, changeant les lois de la réalité, faisant des causes des conséquences. Tel est le prix à payer lorsque nous jouons le jeu des dieux, et qui sait ce qui peut encore arriver. Le Dragon s’est déjà brisé, et cela se reproduira, car toutes les réponses n’ont pas été données.
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